VIVENT LES FEMMES -VLF

Les Femmes de la Commune par Jacky MORELLE

           LES FEMMES DE LA COMMUNE

Quand on évoque les Femmes de la Commune, c’est le nom de Louise Michel qui vient à l’esprit et souvent le seul. Pourtant, la Commune de 1871 ne manque pas de combattantes courageuses, hélas injustement oubliées du grand public.

Les femmes n’avaient pas le droit de faire partie du gouvernement de la Commune mais elles furent pourtant très actives dans les clubs, les journaux et sur les barricades. La Commune n’a pas accordé le droit de vote aux femmes mais lorsqu’elles se sont impliquées politiquement, ce fut  en dehors de la structure gouvernementale officielle, réservée aux hommes.

Ces nombreuses ouvrières, mais aussi ces journalistes, romancières, enseignantes ….qui seront plus tard appelées « pétroleuses » par leurs adversaires interviendront admirablement dans les combats de la Commune.

Pourquoi ce terme de « pétroleuses» ? Les femmes qui avaient participé aux combats armés devinrent  les boucs émissaires du vandalisme  survenu pendant la Semaine Sanglante. Pour mieux comprendre la raison d’être de ce terme, il faut se replacer dans le contexte et se rappeler qu’à cette époque la femme n’était pas considérée comme un membre à part entière de la société. La Commune avait, elle, instauré la parité.

LOUISE MICHEL (1830-1905)

C’est une femme aux multiples facettes :  elle n’est pas seulement la communarde  connue de tous mais également institutrice, écrivaine, poétesse, dessinatrice, musicienne, féministe, militante anarchiste, franc -maçonne…

Née au château de Vroncourt en Haute Marne, il est difficile de déterminer avec exactitude qui fut son père.  Etienne Demahis,  propriétaire du château ou son fils Laurent ? Sa mère Marianne Michel y était femme de chambre. Quoiqu’il en soit Laurent quitta le château peu après la naissance de Louise et Marianne resta chez les Demahis avec sa fille entourée de l’affection d’Étienne et de son épouse que Louise considéra toujours comme ses grands- parents. Elle reçoit une bonne instruction et une éducation libérale, elle lit Molière, Voltaire et Rousseau et en discute avec ses grands-parents.  Ou bien ils improvisent un concert et Louise se met au pianoou  prend son luth . «  J’ai grandi, écrira-t-elle plus tard, entre des êtres libres et bons dont je suis infiniment fière. »Toute sa vie elle gardera la passion de lire et d’écrire même surtout au fond de ses différentes prisons.

À Paris, en 1856, Louise est engagée comme maîtresse adjointe dans une institution, rue du château d’eau. Elle suit également des cours du soir dans des domaines les plus variés ; elle fait la connaissance des futurs communards : Jules Vallès,  Eugène Varlin, Rigault, Eudes…et surtout Théophile Ferré qu’elle aimera toute sa vie platoniquement. Elle écrit pour des journaux d’opposition et envoie des poèmes à Victor Hugo. En 1870, elle est élue présidente du Comité de vigilance des citoyennes du 18ème arrondissement de Paris. Elle préside régulièrement les réunions du Club de la révolution, rédige des articles pour le Cri du peuple et combat au côté du 61 ème bataillon de la Garde nationale. Portant la double casquette d’ambulancière et de combattante, elle semble avoir le don d’ubiquité. Elle pose son fusil pour soigner les blessés et assister les mourants.     

A la fin de la semaine sanglante, Louise est arrêtée pour n’avoir pas voulu laisser sa mère emprisonnée à sa place.Le 16 décembre 1871, elle comparaît devant le conseil de guerre qui la condamne à la déportation à vie en Nouvelle Calédonie. Avec héroïsme, elle affronte ses juges, décidée à assumer la pleine responsabilité de ses actes et même à les revendiquer. C’est avec une parfaite impassibilité qu’elle entend tomber la sentence…Au lendemain de sa condamnation, Victor Hugo écrira un magnifique poème (58 vers) « VIRO MAJOR » pour cette femme qu’il tenait dans la plus haute estime :

«  Ayant vu le massacre immense, le combat,

Le peuple sur la croix, Paris sur son grabat,

La pitié formidable était dans tes paroles.

Tu faisais ce que font les grandes âmes  folles,

Et lasse de lutter, de rêver, de souffrir,

Tu disais : « J’ai tué ! » car tu voulais mourir…»

Après l’amnistie en 1880, elle est toujours très populaire et multiplie  les manifestations et réunions en faveur des prolétaires. Surveillée par la police, elle est emprisonnée à plusieurs reprises. Elle poursuit son militantisme politique dans toute la France, jusqu’à sa mort à l’ âge de 74 ans à Marseille.

Ils furent des milliers à suivre son convoi funéraire à travers Paris, de la gare de Lyon au petit cimetière de Levallois.

Elle-même, si assurée fût – elle de la justesse de son combat, l’avait bien pressenti quand adolescente elle écrivait ses très beaux vers :

« Oh,  mon rêve est bien grand et je suis bien petite.

Destin, que feras-tu de mon rêve géant ? »

Elle demeure  une figure de premier plan. En France de nombreuses rues, collèges et lycées portent son nom ainsi qu’une station de métro à Paris.

NATHALIE LEMEL (1826-1921)

Elle est née à Brest le 24 août 1826. Dans l’histoire de Quimper, on trouve une brève évocation de Nathalie Lemel « …grande lectrice de journaux socialistes, elle choque la bourgeoisie de la ville par son féminisme… »

Une fois à Paris, sortie du carcan provincial et religieux, elle est obligée d’exercerun métier, elle choisit celuide relieur. En août 1864, les ouvriers relieurs se mettent en grève lors d’un conflit très dur, l’un des militants les plus connus est Eugène Varlin. Il fait entrer Nathalie au Conseil d’Administration de la Société d’Épargne et de Crédit Mutuel des ouvriers relieurs dont il est le président. Sous l’influence de Varlin, elle adhère à l’Internationale et lorsqu’une nouvelle grève éclate, elle fait partie  du comité de grève  et elle est élue déléguée syndicale, fait exceptionnel pour l’époque. La grève de 1865,  grâce à Nathalie Lemel et à Elisabeth Dmitrieff avait obtenu l’égalité des salaires entre ouvrières et ouvriers relieurs.

Libérée de ses entraves conjugales, avec Varlin et quelques autres relieurs, elle crée une coopérative d’alimentation, « la Marmite ». Dans son livre « La Commune, histoire et souvenirs », Louise Michel écrit : «  Madame Lemel (..) empêcha tant de gens de mourir de faim. Véritable tour de force de dévouement et d’intelligence. »

Pendant le siège, Nathalie Lemel contribue à fonder la nouvelle Union des femmes. C’est un manifeste-programme des plus avancés de cette période. Il revendiquait un enseignement professionnel féminin, la suppression de la distinction entre enfants naturels et légitimes. Cette Union réclama également l’abolition de la prostitution…

Ces militantes participent aux réquisitions et à l’organisation d’ateliers coopératifs. C’est à travers les propos caricaturaux des rapports de police que l’on aperçoit le dynamisme de Nathalie : « ...On la vit parcourir les clubs de femmes, y prendre la parole et y prêcher dans un langage excessivement violent les théories les plus subversives… » Ce qui frappe c’est l’intense activité qui tenait à sa personnalité combative, intègre et désintéressée.

Pendant la Semaine Sanglante, un rapport de police précise, parlant de Nathalie Lemel  : « A la tête d’un bataillon d’une cinquantaine de femmes, elle a conduit la barricade de Pigalle »   et plus loin, il est écrit qu’elle y a arboré le drapeau rouge.

Elle est arrêtée le 21juin 1871 et condamnée à la déportation en Nouvelle-Calédonie. Comme Louise Michel à la fin de son procès, Nathalie Lemel a refusé un recours en grâce.

Elle embarque sur la frégate la Virginie accompagnée d’Henri Rochefort (journaliste et homme politique), de Louise Michel et de bien  d’autres…

Le bagne dura 6 ans. A son retour en France, Henri Rochefort  se souvenant d’elle lui fait donner un emploi de nuit dans le journal « l’Intransigeant » qu’il avait fondé. Mais de glissement politique en glissement politique, celui qui fut le bagnard de Nouméa, va choir tour à tour dans l’incohérence du boulangisme et dans le déshonneur de l’antidreyfusard. Elle refusa le secours de Rochefort et tomba dans l’extrême misère préférée à une solidarité douteuse.

En 1915, elle entra à l’hospice d’Ivry, complètement aveugle. Elle mourut le 8 mai 1921, âgée de 95 ans.

Une place du 3ème arrondissement de Paris porte son nom.

PAULE MINK(1839-1901)

Paule Mink (écrit parfois Minck), de son vrai nom Paulina Mekarska est d’origine polonaise. Son père appartenait à la haute noblesse. Il participa à l’insurrection polonaise de 1830 avant de s’installer en France.

Très tôt, Paule fait montre de sentiments républicains, écrivant des articles, participant à des réunions publiques. A  la fin du Second Empire, elle anime des conférences. Elle  fonde dès 1868 la Société fraternelle de l’ouvrière. Grande oratrice des clubs, elle se bat pour que les femmes aient le droit à la parole au nom de l’égalité. Voici comment la voyait Gustave Lefrançais (premier président élu de la Commune de Paris) : «  Parmi les femmes qui prennent la parole dans les réunions, on remarque surtout la citoyenne Pauline Mink, petite femme très  brune (…)d’une grande énergie de parole (…)elle s’exprime facilement. »   Durant la Commune, elle anime des clubs politiques anticléricaux dans les églises. Cependant, elle repousse la notion de « luttes des sexes »  préférant celle de tous les opprimés. Elle fonde une école libre de jeunes filles à  Montmartre. Elle se rend plusieurs fois en province pour essayer de faire entendre la Commune, toujours armée de son revolver «  la Joséphine ».

Exilée en Suisse après la Semaine Sanglante, elle poursuit le combat socialiste et féministe. De retour en France après l’amnistie, elle continue son activité militante, donnant des conférences dans les villes principales. Elle meurt le 28 avril 1901,elle est incinérée au Père Lachaise où de nombreux discours sont prononcés. Son enterrement rassemble toutes les tendances du mouvement ouvrier.  A Paris, le jardin Saint Fargeau (20ème arrondissement)  va devenir le jardin Paule  MINCK  afin de rendre hommage à une femme engagée.

ANDRÉ LÉO (1824-1900)

Cette romancière, journaliste, théoricienne, de son vrai nom Léodile Béra Champseix prend pour pseudonyme les noms de ses jumeaux André et Léo. Elle est élevée dans un milieu cultivé de la bourgeoisie éclairée. Dans les années 1860, elle se lie à la première vague féministe. Elle est partisane de l’amour libre. En 1866, elle fonde avec Paule Mink et Louise Michel, la société pour la revendication des droits de la femme. Dans la revue  la Coopération, elle publie des reportages sur le travail, plaide et milite  également  pour la création d’associations ouvrières. Elle fonde l’Association pour l’amélioration de l’enseignement des femmes.

Le 18 septembre 1870, elle est arrêtée lors d’une manifestation  réprimée par l’armée, en compagnie de Louise Michel  avec laquelle elle siège au Comité de vigilance de Montmartre. Elle fonde le journal la République des travailleurs et participe à la Commune de Paris. Dans le journal la Sociale, elle publie un appel diffusé par ballon aux travailleurs des campagnes. « Ce que Paris veut en fin de compte c’est la terre au paysan, l’outil à l’ouvrier, le travail pour tous .» Pour elle, la révolution est impossible sans l’émancipation  des femmes et sans le ralliement de la paysannerie. Membre du Comité des citoyennes du 17 ème arrondissement, elle collabore alors à l’ Union des femmes pour la Défense de Paris et les soins aux blessés. Dans les débats de la Commune, elle est favorable à la lutte armée contre les Versaillais mais quand la Commune veut supprimer les journaux d’opposition, elle s’écrie : « Si nous agissons comme nos adversaires, comment le monde choisira-t-il entre eux et nous ? »  Elle n’hésitait pas à critiquer le gouvernement de la Commune lorsqu’il prenait des mesures antidémocratiques ou sexistes…

Parvenue à échapper à la répression de laSemaine Sanglante, elle s’exile en Suisse où elle prononce son célèbre discours au congrès de la paix : LA GUERRE SOCIALE. Originaire d’une famille aisée, elle défend l’égalité sociale et l’éducation populaire car « il n’y a en réalité que deux partis en ce monde : celui de la lumière et de la paix par la liberté et l’égalité, celui du privilège par la guerre et par l’ignorance. » C’est un discours merveilleusement bien écrit et vibrant d’émotion.

Elle meurt le 20 mai 1900. Incinérée au Père Lachaise, ses cendres sont transférées au cimetière d’Auteuil près du père de ses enfants.

Une passerelle André Léo sera inaugurée dans le 12 ème arrondissement de Paris.

ELISABETH DMITRIEFF(1851-?)                 

Elle est née en Russie en 1851. Elle est la fille illégitime d’un officier possédant  de grands domaines. Elle a une bonne éducation et fait ses études à Saint Petersburg où elle milite dans des cercles socialistes. Elle fait un mariage blanc avec un colonel dans le but de pouvoir voyager à l’étranger. À Genève, elle codirige  la cause du Peuple et participe à la fondation de la section russe de l’Association internationale des travailleurs. A Londres, elle se lie intimement avec Karl Marx et sa famille. Ce dernier l’envoie à Paris  en mars 1871, elle a 20 ans, en tant que représentante du Conseil de l’Internationale. Elle en devient actrice en fondant avec Nathalie Lemel  l’Union des femmes pour la défense de Paris. Elle voulait donner aux ouvrières le contrôle de leur propre travail. Voici son portrait d’après un rapport de police : « Habituellement vêtue de noir et toujours d’une mise élégante. Âgée d’à peine 20 ans, grande, blonde admirablement belle. »

Elle prend part  aux combats des rues durant la Semaine Sanglante  et tout particulièrement sur la barricade de la Bastille.

Elle réussit à retourner en Russie en octobre 1871, elle épouse un condamné à la déportation et le suit en Sibérie. Elle est condamnée en France par contumace, le 26 octobre 1872, à la déportation. Dans son exil, elle cache son identité et son passé de communarde car elle est recherchée par les polices française, suisse et russe. La date de son décès est incertaine.

A Paris, la place Elisabeth Dmitrieff se trouve dans le 3ème arrondissement à l’intersection de la rue du Temple et de la rue Turbigo.

ANA JACLARD (1843-1887)

Aristocrate de nationalité russe, amie de Karl Marx et de Dostoïevski. Elle part pour Paris en 1868  et s’intéresse aux idées sociales avancées.  Elle épouse Victor Jaclard, militant blanquisme, professeur de mathématiques et membre de l’Internationale. Elle trouve un emploi dans une imprimerie et traduit en russe des textes de l’Internationale. Elle est journaliste  révolutionnaire à la Sociale et membre du comité de vigilance  de Montmartre aux côtés de Louise Michel  et de Paule Minck…Elle y devient ambulancière. Son mari coordonne la Commune de Lyon et de Paris.

A la fin de la Semaine Sanglante, pour fuir sa condamnation, le couple se serait réfugié  à Londres chez Karl Marx. Il revient en France après l’amnistie.

Ana est décédée en 1887 et enterrée dans le cimetière ancien de Neuilly sur Seine.

La rue Ana Jaclard porte son nom à Paris dans le 12ème arrondissement.

ALIX PAYEN (1842-1903)

Elle est issue d’une famille bourgeoise républicaine acquise aux idées du socialisme utopique de Charles Fourier.

Elle  s’engage comme infirmière et brancardière au 153ème bataillon de la garde nationale où est affecté son mari. Ce dernier ayant été blessé, elle s’occupe exclusivement de lui jusqu’à sa mort, le 29 mai 1871. Elle parvient à échapper à la répression versaillaise. Durant son engagement elle maintient une correspondance régulière avec sa famille.

Après sa mort, son frère Paul Milliet, peintre, archéologue, écrivain et communard a publié les lettres de sa sœur concernant la Commune. Elle décrit avec une grande sensibilité les combats violents. « C’est la nuit surtout que le combat devient furieux. »

« Nous avons été bien malheureux dans ces horreurs de tranchées , la pluie ne nous a pas quittés un instant. Je n’aurais jamais cru que l’on peut s’habituer à vivre tout mouillé pendant des jours sans jamais sécher. »

Ses écrits sont un  rare témoignage contemporain  de la Commune.

Mais la plupart des communardes étaient des ouvrières comme MARIE ROGISSART, couturière qui organisa les femmes pour arrêter les réfractaires qui refusaient de défendre la Commune ; JOSÉPHINE MARCHAIS, ouvrière agricole et franc – tireur au bataillon des enfants rouges ; HORTENSE MACHU, brossière et cantinière ; VICTORINE BROCHER, piqueuse de bottines et cantinière au bataillon des défenseurs de la République ; BLANCHE LEFEBVRE, blanchisseuse du lavoir Sainte-Marie des Batignolles où elle participe à la gestion de la ville de Paris durant la Commune ; MARIE LEMONNIER, apprêteuse de neuf qui servit comme ambulancière et éleva des barricades… Nous ne pouvons citer toutes ces héroïnes de la Commune, elles furent des centaines à combattre sur les barricades…Comme le souligne André Léo : « Les femmes naturellement, participèrent aux combats comme les hommes. ».

Louise Michel le formula clairement : « On cherche toujours bêtement à faire aux femmes un sort à part (…), mais  pour cela même nous protestons énergiquement et avec succès. »

Un journaliste anglais écrivit en mai 1871 : « Si la nation française ne se composait que de femmes, quel peuple terrible ce serait ! »

La  plupart de ces femmes étaient, comme je l’ai dit,  des ouvrières qui s’engagèrent avec courage dans cette révolution. Mais lorsqu’elles appartenaient à l’élite intellectuelle comme Louise Michel, Paule Mink, André Léo, Ana Jaclard, Alix Payen et bien d’autres, elles réussirent à mettre en œuvre les objectifs féministes et socialistes qu’elles avaient soigneusement élaborés avant l’insurrection.On a longtemps minimisé l’importance de leurs  actions militantes. Leurs contemporains en plus de sous-évaluer leur courage les ont diabolisées.

A la fin de la Semaine sanglante, Alexandre Dumas, fils osa écrire en parlant des Communardes : « Nous ne dirons rien de leurs femelles par respect pour les femmes à qui elles ressemblent quand elles sont mortes. »

ARTHUR RIMBAUD était-il à Paris en mai 1871 ? Mais en tout cas son poème Jeanne – Marie restera la plus belle évocation poétique de la communarde de 1871.

                 Jeanne-Marie  a des mains fortes,

                 Mains sombres que l’été tanna,

                 Mains pâles comme des mains mortes…

                 Elles ont pâli, merveilleuses,

                 Au grand soleil d’amour chargé

                 Sur le bronze des mitrailleuses

                 A travers Paris insurgé….

Et comme le nostalgique  Temps des Cerises, ce poème est un merveilleux hommage à toutes les communardes connues, oubliées ou anonymes .

                      VIVENT LES FEMMES DE LA COMMUNE

                     Jacky Morelle

                                      Présidente de la Commission Culture VLF

Poèmes écrits par Louise Michel :

Hirondelle

Hirondelle qui vient de la nue orageuse,

Hirondelle fidèle, où vas-tu ? Dis-le moi.

Quelle brise t’emporte, errante voyageuse ?

Écoute, je voudrais m’en aller avec toi,

Bien loin, bien loin d’ici, vers d’immenses rivages,

Vers de grands rochers nus, des grèves, des déserts,

Dans l’inconnu muet, ou bien vers d’autres âges,

Vers les astres errants qui roulent dans les airs.

Ah ! laisse-moi pleurer, pleurer, quand de tes ailes

Tu rases l’herbe verte et qu’aux profonds concerts

Des forêts et des vents tu réponds des tourelles,

Avec ta rauque voix, mon doux oiseau des mers.

Hirondelle aux yeux noirs, hirondelle, je t’aime !

Je ne sais quel écho par toi m’est apporté

Des rivages lointains ; pour vivre, loi suprême,

Il me faut, comme à toi, l’air et la liberté.

Après le décès de sa mère, elle écrivit ce poème et l’on est captivé par son émotion simple et profonde.

          « Ma mère aimait ces belles roses »

         Vroncourt avait de rouges roses,

         Au coeur plein de poussières d’or.

         En été, par milliers écloses,

         Ô roses, je vous vois encore.

         Et, dans les aurores vermeilles,

         Les pattes jaunes, le matin,

         Par milliers aussi, les abeilles

         Y venaient chercher leur butin.

         Comme leur maître, les abeilles

         Sont mortes, tout est renversé.

         Toujours les aubes sont vermeilles

         Aux seuils où la mort a passé.

         Sur les tombes, la mousse est verte,

         L’herbe croît, nul n’y vient en pleurs.

         Et moi,  par la fenêtre ouverte,

         M’arrivent vos parfums, ô fleurs !

         À Clermont, devant ma fenêtre,

         Fleurissait un grand rosier blanc.

         Quand la fleur s’ouvre, on voit paraître

         Sur sa chair, des taches de sang.

         Ma mère aimait ces belles roses.

         C’était fête quand je pouvais

         En envoyer, fraîches écloses.

         Elle n’en verra plus jamais.

                                           ***